dimanche 31 août 2008

Ni Kafka, ni Joyce, ni Proust (Mario Vargas Llosa)


Ni Kafka, ni Joyce, ni Proust n'ont eu besoin de l'appui de l'Etat pour écrire ce qu'ils ont écrit, ni l'oeuvre d'un Wajda, d'un Tadeusz Kantor ou d'un Grotowski n'a résulté des subventions culturelles du socialisme. Et ces six créateurs, bien qu'ils ne soient pas faciles et qu'ils exigent de leurs lecteurs ou spectateurs un effort intellectuel, ont trouvé un public qui pour les six est allé en s'élargissant, comme les cercles concentriques. Une société doit avoir l'art et la littérature qu'elle mérite : ceux qu'elle est capable de produire et ceux qu'elle est prête à payer. Et il est bon que les citoyens assument aussi dans ce domaine leurs propres responsabilités sans y renoncer devant les fonctionnaires, pour éclairés qu'ils soient.

Mario Vargas Llosa in Les enjeux de la liberté (Desafíos a la libertad)

vendredi 29 août 2008

Erratum

Cette note publiée le 25 octobre 2007 et attribuée à Ernst Jünger... s'est avérée un extrait d'Individual Liberty par Benjamin Tucker.

En revanche, Jünger le cite effectivement dans Eumeswil.

Mille pardons, chers lecteurs.

mardi 26 août 2008

Cet énorme non sequitur ( Murray Rothbard )

Les défenseurs de l’Etat, y compris les philosophes aristotéliciens et thomistes classiques, sont tombés dans cet énorme non sequitur qui consiste à sauter de la nécessité de la société à la nécessité de l’Etat.

Murray Rothbard in L'éthique de la liberté

vendredi 22 août 2008

Être gouverné ( Pierre-Joseph Proudhon )


Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni titre, ni la science, ni la vertu... Être gouverné, c'est être à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est sous prétexte d'utilité publique et au nom de l'intérêt général être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre réclamation, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale !

Pierre-Joseph Proudhon in Idée générale de la révolution au XIXe siècle

vendredi 15 août 2008

Une Histoire de Foi ( Henry Hazlitt )


“Alors !” dit Bolshekov. Il regarda Piotr de bas en haut. “Vous ne connaissez vraiment rien de l’Histoire, absolument rien ?”

Piotr hocha la tête.

“Bien, cela peut être traité simplement en vous donnant une liste de livres à lire. Mais je vais résumer les grandes lignes, pour que vous ayez des bases de départ. Notre Histoire, comme notre calendrier, est divisée en deux parties: Avant Marx, et Après Marx. Par exemple,” - il pointa du doigt le calendrier sur le mur - “nous sommes en L’An de Marx 282, ce qui signifie 282 années après Sa naissance. Vous aviez certainement au moins appris ça à l’école communiste avant d’avoir huit ans !”

Piotr hocha à nouveau la tête.

“Mais c’est la vieille division. Nos auteurs récents divisent l’Histoire en trois grandes périodes: L’Antiquité, l’Âge Sombre (NDT: ‘âge sombre’ est le terme littéral pour ‘moyen-âge’ en anglais), et l’Histoire Moderne. L’Antiquité est toute la période dont on ne sait pratiquement rien et qui a précédé ce qui est ironiquement appelé dans l’Âge Sombre la Révolution Industrielle. Bien sûr ce n’était pas une révolution du tout ; c’était une contre-révolution. L’Âge Sombre commence avec la naissance du capitalisme. Il y quelques différences suivant les historiens quant à l’exacte année où l’Âge Sombre a commencé. Certains la situent à 95 Av.M., ce qui était l’année durant laquelle un bourgeois du nom d’Adam Smith est né ; d’autres la placent à 42 Av.M., qui est l’année d’apparition d’un livre de cet Adam Smith. Ce livre donna naissance à, et fournit un système élaboré d’excuses pour, l’idéologie capitaliste.”

“Quel était le titre de ce livre ?”

“On ne sait plus ; mais j’y reviendrai dans un moment. L’Âge Sombre représente toute la période de la naissance du capitalisme jusqu’à son éradication finale à la suite d’une série de guerres froides ou ouvertes entre environ 150 Ap.M. et le triomphe final du communisme en 184 Ap.M.”

“Donc l’Histoire moderne, Votre Altesse - l’histoire depuis le triomphe final et complet du communisme - aura tout juste un siècle d’ici deux ans ?”

“Correct. Maintenant nous n’allons pas entrer dans les détails de la longue série complexe de guerres qui a mené au renversement final du capitalisme. La Russie Soviétique, bien sûr, a mené les forces du communisme. Les forces du capitalisme se rassemblaient principalement autour de ce que nous appelons maintenant les Etats Désunis, qui n’avait cessé de perdre des alliés, de l’intérieur comme de l’extérieur. Mais vous trouverez tout ça dans vos livres d’histoire, dont je vous ferai une liste avant que vous ne partiez.”

Il prit une note sur un petit carnet devant lui.

“Pourtant je dois vous révéler” continua-t-il, “la raison centrale du succès du communisme. Nous étions partis avec, apparemment, tous les désavantages possibles. L’ennemi avait de meilleures armes, l’avantage technologique, une plus grande production, plus de ressources. Et pourtant nous l’avons battu à la fin parce que nous avions l’arme formidable qui leur manquait. Nous avions la Foi ! Foi en notre Cause ! Une Foi qui n’a à aucun moment faibli ou hésité ! Nous savions que nous avions raison ! Raison sur tout ! Nous savions qu’ils avaient tort ! Tort sur tout !”

Bolshekov s’était mis à crier. Il s’arrêta un instant comme pour laisser tout cela être absorbé.

“L’ennemi n’a jamais eu vraiment de foi dans le capitalisme,” poursuivit-il. “Ils ont commencé avec très peu, et l’ont rapidement perdu. Ceux qui avaient adopté l’évangile du communisme étaient prêts à mourir pour lui ; mais personne n’était disposé à mourir pour le capitalisme. Cela aurait été une sorte de farce. Finalement, le mieux que nos ennemis trouvèrent à dire en faveur du capitalisme c’est que ce n’était pas le communisme ! Même eux ne semblaient pas penser que le capitalisme avait la moindre vertu positive. Et ils se contentaient de dénoncer le communisme. Mais leur façon de contrer le communisme était de l’imiter. Ils faisaient hommage au capitalisme et à ce qu’ils appelaient l’entreprise privée ou libre entreprise - plus personne ne sait ce que ces termes signifiaient - mais chaque ‘réforme’ qu’ils mirent en place comme ‘réponse’ au communisme était un pas de plus dans la direction du communisme. À chaque réforme qu’ils adoptaient l’individu avait moins de pouvoir et l’Etat toujours plus. Petit à petit le contrôle des individus sur les ressources et les biens leur a été retiré ; petit à petit cela fut envahi par l’Etat. Au début ce n’était pas la ‘propriété’ mais simplement le droit de décision qui fut accaparé par l’Etat. Mais ces idiots qui essayaient de ‘réformer’ le capitalisme n’ont pas vu que le pouvoir de décision, le pouvoir de disposer, était l’essence de la ‘propriété’. Donc ils ont retiré aux individus, étape par étape, le pouvoir de décider de leurs propres prix, ou de décider ce qu’il fallait produire et en quelle quantité, ou de louer ou cesser de louer du travail à volonté, ou de décider des termes de leurs contrats. Graduellement leurs gouvernements ont décidé de toutes ces choses, mais morceau par morceau, au lieu de le faire en un seul grand saut logique. C’était amusant de les voir imiter servilement les Plans Quinquennaux communistes avec leurs propres ‘Plans quadriannuels’. Ceux-ci étaient, évidemment, comme les nôtres, des planifications d’Etat. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces gens semblaient vraiment croire que les appeler ‘quadriannuels’ au lieu de ‘quinquennaux’ empêcherait quiconque de reconnaître le plagiat. En fait, certains d’entre eux étaient trop stupides pour même savoir ce qu’ils étaient en train de copier.”

Il s’arrêta pour se verser un verre d’eau.

“Bref, étape par étape le monde capitaliste a accepté les principes de base du communisme - que l’individu, livré à lui-même, est avide, brutal, stupide et irresponsable ; que ‘l’individualisme’ et la ‘liberté’ sont de simples euphémismes pour la loi de la jungle ou la domination du plus fort - en d’autres termes, des euphémismes pour l’anarchie - et que seul l’Etat a la responsabilité, seul l’Etat a la sagesse, seul l’Etat peut être juste, seul l’Etat peut faire usage du pouvoir. Ils acceptèrent ces principes, mais manquaient du courage ou de la clarté de les suivre jusqu’à leur conclusion logique. Ils n’avaient pas le courage de voir que l’individu, parce qu’il n’est responsable devant personne, doit être privé de tout pouvoir, et que l’Etat, l’Etat qui représente tout le monde, doit être le seul dépositaire de tout le pouvoir, le seul décisionnaire, le seul juge de sa propre-”

Il se ressaisit. “Je ne comptais pas rentrer dans ces détails tout de suite. Mais est-ce si surprenant que le monde capitaliste a perdu ? Est-ce si surprenant qu’il n’a cessé de perdre ses alliés à l’intérieur comme à l’extérieur ? Savez-vous ce que les chefs politiciens américains ont fait à un moment ? Ils ont envoyé d’énormes sommes d’argent pour essayer d’acheter le reste du monde pour qu’il ne devienne pas communiste ! Ils pensaient qu’ils pouvaient acheter de la foi avec des dollars !”

“Et qu’est-il arrivé ?”

“Qu’espérez-vous qu’il eût pu arriver ? Les autres pays bourgeois ont compris que la façon la plus simple d’obtenir de l’argent des Etats Désunis était de subodorer qu’ils pourraient devenir communistes s’ils n’en recevaient pas. Et rapidement ils se sont mis à croire que la seule raison pour laquelle ils ne devenaient pas communistes, c’était pour rendre service aux Etats Désunis, et que leur seule raison de s’armer contre nous n’était pas leur propre préservation, mais encore une fois pour faire plaisir aux Etats Désunis ! Si l’Amérique bourgeoise voulait des armes, se sont-ils dit, elle n’a qu’à payer pour les avoir ! Et ils utilisèrent le reste des fonds américains, de toute façon, pour financer des programmes socialistes - en d’autres termes, pour avancer sur la voie vers le communisme !”

Il sourit, puis redevint sérieux tout à coup. “Est-ce si surprenant que bien qu’ils aient parvenu à corrompre quelques espions parmi nous, nous avions des légions d’espions bénévoles parmi eux - des gens qui nous donnaient l’information avec joie, de leur plein gré ; des gens que nous n’avions pas à payer ; des gens qui ‘trahissaient leur pays’, pour reprendre la phrase de condamnation que les nations capitalistes avaient essayé d’adopter - des gens qui trahissaient leur pays dans l’exultation, par sens du devoir, parce que leurs pays avaient tort, et parce qu’ils servaient une meilleure cause, la cause de l’humanité !”

Piotr était impressionné par la passion et la conviction de cet homme.

“Bien, j’espère que vous me pardonnez, si je me laisse emporter loin du sujet.”

“Non, non,” fit Piotr; “tout cela est précisément ce que j’ai besoin d’apprendre. Mais puis-je poser une question ? Pourquoi alors est-ce que les pays bourgeois ont combattu le communisme ?”

“Ils se sont battus contre le communisme parce qu’ils étaient ‘contre’ le communisme. C’était la seule chose sur laquelle ils parvenaient à s’entendre. Mais ils ne savaient pas ce qu’ils défendaient. Tout le monde était pour quelque chose de différent. Personne n’avait le courage de défendre un capitalisme qui répondait vraiment aux principes de base du capitalisme. Chacun avait son propre plan pour un capitalisme ‘réformé’. Ils pouvaient endiguer le communisme, pensaient-ils, uniquement s’ils parvenaient à ‘corriger les abus’ ; mais tous leurs plans pour corriger ces abus étaient des étapes vers le communisme et le socialisme. Ils se sont entredéchirés pour décider jusqu’où ils devaient aller sur le chemin du communisme pour ‘vaincre’ le communisme, jusqu’où ils devaient embrasser les idées communistes pour détruire les idées communistes. Je sais que ça paraît incroyable, mais je vous assure que c’est vrai.”

“Mais n’y avait-il personne pour avoir foi dans le capitalisme ?”

“Pas dans le sens où tout le monde de notre côté avait foi et a encore foi aujourd’hui dans le communisme. Les plus forts d’entre nos ennemis étaient à moitié convaincus de leur propre cause. Ils se contentaient de s’excuser de leur capitalisme. Ils disaient que le capitalisme, avec toutes ses failles - et ils étaient en compétition féroce pour voir qui lui trouverait le plus de failles - que le capitalisme avec toutes ses failles était probablement juste aussi bien qu’on puisse espérer raisonnablement - et ainsi de suite. Et donc nous les avons anéanti.”

Bolshekov fit un rapide mouvement du plat de la main, comme coupant des têtes invisibles.



Henry Hazlitt in Time will run back

Merci à
Jesrad

mercredi 13 août 2008

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Cordialement,

Simon

JE SUIS, JE PENSE, JE VEUX. (Ayn Rand)

JE SUIS, JE PENSE, JE VEUX.

Mes mains... Mon esprit... Mon ciel... Ma forêt... Cette terre qui est mienne. Que dois-je dire de plus ? Ce sont les mots. C'est la réponse.

Je me tiens ici debout au sommet de la montagne. Je lève la tête et je tends les bras. Ceci, mon corps et mon âme, tout ceci représente la fin de la quête. Je désirais connaître le sens des choses. Je suis le sens. Je voulais découvrir ma raison d'être. Je n'ai nul besoin de raison d'être, ni d'autorisation pour mon existence. Je suis la raison d'être et l'autorisation.

Ce sont mes yeux qui voient, et la vision de mes yeux accorde sa beauté à la terre. Ce sont mes oreilles qui entendent, et l'ouïe de mes oreilles offre au monde sa musique. C'est mon esprit qui pense, et le jugement de mon esprit est le seul phare qui puisse éclairer la vérité. C'est ma volonté qui choisit, et le choix de ma volonté est le seul verdict que je me dois de respecter.

De nombreux mots me furent accordés, quelques-uns sont sages et d'autres sont trompeurs, mais trois seulement sont sacrés : « Je le veux ! »
Quelle que soit ma route, la bonne étoile est avec moi : la bonne étoile est la boussole qui m'indique le chemin. Elle n'indique qu'une seule direction. Et cette direction, c'est moi.

J'ignore si cette terre sur laquelle je me trouve est le cœur de l'univers, ou si elle n'est qu'un grain de poussière perdu dans l'éternité. Je l'ignore, et cela m'est égal, car je sais quel bonheur m'est possible sur cette terre. Et mon bonheur n'a pas à se justifier. Mon bonheur n'est pas un moyen d'arriver à une quelconque fin. Il est la fin. Il est son propre but. Il est sa propre raison d'être.

Je ne suis pas non plus un moyen d'arriver à une fin que d'autres voudraient atteindre.
Je ne suis pas un instrument à leur disposition.
Je ne suis pas un serviteur de leurs exigences. Je ne suis pas un baume pour leurs plaies. Je ne suis pas un sacrifice sur leur autel.

Je suis un homme. Je me dois de posséder et conserver, de défendre, d'utiliser, de respecter et de chérir ce miracle.

Je n'abandonne ni ne partage mes trésors. La richesse de mon cerveau ne doit pas être gaspillée en pièces de bronze jetées en aumône, à tous vents, aux pauvres d'esprits. Je défends mes trésors : ma pensée, ma volonté, ma liberté. Et le plus précieux est ma liberté.

Je ne dois rien à mes frères, je ne suis pas leur créancier. Je ne demande à personne de vivre pour moi et je ne vis pas non plus pour les autres. Je ne convoite l'âme d'aucun homme, tout comme mon âme n'a pas à être convoitée.

Je ne suis ni l'ami, ni l'ennemi de mes frères, mais l'un ou l'autre, suivant ce qu'ils méritent. Pour mériter mon amour, mes frères doivent avoir fait plus que se contenter d'être nés. Je n'accorde pas mon amour sans raison, ni à quelque passant qui se hasarderait à le réclamer. J'honore les hommes de mon amour. Mais l'honneur doit se mériter.

Je choisirai des amis parmi les hommes, mais jamais d'esclave ni de maître. Et je ne choisirai que ceux qui me plairont; à eux je montrerai amour et respect, mais jamais domination ni obéissance. Et nous joindrons nos mains lorsque nous le déciderons, ou marcherons seuls si nous le désirons. Car dans le temple de son esprit, chaque homme est seul. Que chaque homme garde son temple pur et intact. Qu'il rejoigne d'autres hommes, qu'il les prenne par la main, s'ils le désirent, mais seulement au-delà de ce seuil sacré.
Car le mot « Nous » ne doit jamais être prononcé, sauf par choix personnel et après réflexion. Ce mot ne doit jamais être privilégié dans l'âme d'un homme, ou il devient monstrueux, l'origine de tous les maux sur terre, l'origine de la torture de l'homme par l'homme et d'une innommable duperie.
Le mot « Nous » est comme de la chaux vive versée sur les hommes, qui se contracte et durcit comme la pierre, écrase tout ce qui se trouve au-dessous, mêlant le noir et le blanc dans son gris. C'est le mot grâce auquel les dépravés volent la vertu des hommes droits, grâce auquel les faibles volent la force des forts, grâce auquel les imbéciles volent la sagesse des sages.

Quelle joie en tirer, si toutes les mains, même impures, peuvent l'atteindre ? Quelle sagesse, si même les imbéciles peuvent me donner des ordres ? Quelle liberté, si toutes les créatures, même les incapables et les impuissants, sont mes maîtres ? Quelle vie, si je ne fais que m'incliner, approuver et obéir ?

Mais j'en ai fini de ce culte de la corruption. J'en ai fini de ce monstre du « Nous », mot de la servitude, du pillage, de la misère, du mensonge et de la honte.

Et je vois maintenant le visage de dieu, et j'élève ce dieu au-dessus de la terre, ce dieu que les hommes cherchent depuis qu'ils existent, ce dieu qui leur accordera joie, paix et fierté.

Ce dieu, ce mot unique, c'est « JE ».


Ayn Rand in Hymne (Anthem)

jeudi 7 août 2008

L'ennemi, le meurtrier de l'individu (Stirner)


L'État est l'ennemi, le meurtrier de l'individu, l'association en est la fille et l'auxiliaire ; le premier est un Esprit, qui veut être adoré en esprit et en vérité, la seconde est mon œuvre, elle est née de Moi. L'État est le maître de mon esprit, il veut que je croie en lui et m'impose un credo, le credo de la légalité. Il exerce sur Moi une influence morale, il règne sur mon esprit, il proscrit mon Moi pour se substituer à lui comme mon vrai moi.

Max Stirner, in L'Unique et sa propriété

lundi 4 août 2008

Ne plus servir, ne plus courber l'échine (Etienne de la Boétie)


Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir.

Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.


Étienne de la Boétie in Discours de la servitude volontaire