jeudi 15 février 2007
Les fondements de l'objectivisme (Ayn Rand)
L’homme doit choisir ses actions, ses valeurs et ses buts en fonction de la norme de ce qui convient à l’homme, de façon à accomplir, conserver, réaliser cette valeur ultime, et cette fin en soi qu’est sa propre vie, et en jouir.
Une valeur est ce pourquoi l’on entreprend une action pour acquérir et (ou) conserver quelque chose. Une vertu est l’action par laquelle on l’acquiert et (ou) la conserve. Les trois valeurs cardinales de l’éthique objectiviste sont la raison, l’intentionnalité et l’estime de soi. Ces trois valeurs sont, ensemble, à la fois le moyen de réaliser et la réalisation de cette valeur ultime qu’est notre propre vie. Leurs vertus correspondantes sont la rationalité, la productivité et la fierté.
Le travail productif est le but central de la vie d’un homme rationnel, la valeur centrale qui intègre et détermine la hiérarchie de toutes ses autres valeurs. La raison est la source, la condition préalable de son travail productif, et la fierté, le résultat.
La rationalité est la vertu fondatrice de l’homme, la source de toutes ses autres vertus. Le vice fondamental de l’homme, la source de tous ses maux, est l’acte de ne pas concentrer son esprit, de « suspendre » sa conscience, c’est-à-dire non d’être aveugle, mais de refuser de voir ; non d’être ignorant, mais de refuser de savoir. L’irrationnalité est le rejet du moyen de survie de l’homme, et, par conséquent, un engagement dans la voie de l’autodestruction. Ce qui est contre l’esprit est contre la vie.
La vertu de rationalité signifie la reconnaissance et l’acceptation de la raison comme notre seule source de connaissance, notre seul juge des valeurs et notre seul guide d’action. Elle signifie notre total engagement en un état d’éveil complètement conscient, le maintien d’une parfaite concentration mentale dans toutes les situations et les choix auxquels nous faisons face, et pour chacune de nos heures d’éveil. Elle signifie un engagement à la plus complète et lucide perception de la réalité qu’il nous soit possible, et au développement actif et constant de cette perception, c’est-à-dire le principe que tous nos buts, nos valeurs et nos actions s’inscrivent dans la réalité et, qu’en conséquence, aucune valeur ni aucune considération quelle qu’elle soit ne puisse l’emporter sur notre perception de la réalité. Elle signifie une adhésion au principe que toutes nos convictions, nos buts, nos valeurs, nos désirs et nos actions doivent être fondés sur, dérivés de, choisis et validés par un processus rationnel aussi précis et scrupuleux qu’il nous soit possible, en stricte application des lois de la logique. Elle signifie notre acceptation de la responsabilité de former nos propres jugements et de vivre du travail de notre propre esprit (ce qui constitue la vertu d’indépendance). Elle signifie que nous ne devons jamais sacrifier nos opinions aux convictions ou aux désirs irrationnels des autres (ce qui constitue la vertu d’intégrité) ; que nous ne devons jamais tenter de falsifier la réalité de quelque façon que ce soit (ce qui constitue la vertu de l’honnêteté) ; et que nous ne devons jamais chercher à nous approprier ou à nous octroyer ce que nous ne méritons pas ou ce qui ne nous revient pas de droit, que ce soit dans le domaine matériel ou spirituel (ce qui constitue la vertu de la justice). Elle signifie que nous ne devons jamais désirer d’effets sans causes, et que l’on ne doit jamais donner naissance à une cause sans assumer pleinement la responsabilité de ses effets ; que nous ne devons jamais agir comme un zombie, c’est-à-dire sans connaître nos propres buts et motifs ; que nous ne devons jamais prendre de décisions, nous forger des convictions ou nous approprier des valeurs hors contexte, c’est-à-dire sans tenir compte de la somme totale et intégrée de nos propres connaissances ; et, par dessus tout, que nous ne devons jamais tenter de laisser passer une contradiction. Elle signifie le rejet de toute forme de mysticisme, c’est-à-dire de toute prétention à une source de connaissance surnaturelle, non sensorielle, non rationnelle et non définissable. Elle signifie un engagement à user de la raison, non de manière sporadique ou en l’appliquant seulement dans certaines circonstances ou dans des cas d’urgence, mais comme une façon de vivre permanente.
La vertu de la productivité est la reconnaissance du fait que le travail productif est le processus par lequel l’esprit de l’homme entretient sa vie, le processus qui libère l’homme de la nécessité de s’adapter à son environnement, comme le font les animaux, et lui donne le pouvoir d’adapter son environnement à lui-même. Le travail productif est le chemin qui permet à l’homme de réaliser tout ce qu’il désire, et fait appel aux plus hauts attributs de son caractère : son habileté créatrice, son ambition, sa confiance en soi, son refus de se laisser abattre par les catastrophes et son dévouement à l’objectif de refaçonner la terre à l’image de ses valeurs. « Travail productif » ne signifie pas la répétition machinale des mouvements d’un travail quelconque. Il signifie le fait de choisir consciencieusement une carrière productive et de s’y adonner au meilleur de ses capacités, quel que soit le domaine d’activité rationnel, qu’il soit grand ou modeste. Ce n’est pas le degré d’habileté d’un homme ni la portée de son travail qui est éthiquement pertinent ici, mais le fait qu’il utilise ou non son esprit de la manière la plus complète et la plus réfléchie possible.
La vertu de la fierté est la reconnaissance du fait que « de la même manière que l’homme doit produire les biens matériels dont il a besoin pour se maintenir en vie, il doit acquérir les qualités de caractère qui rendent sa vie digne d’être maintenue ; c’est-à-dire que de la même façon que l’homme est un self-made-man dans le domaine matériel, il est un self-made-man dans le domaine spirituel » (Atlas Shrugged). L’expression « ambition morale » est la meilleure façon de désigner la vertu de fierté. Cela signifie que l’on doit mériter le droit de se considérer soi-même comme notre plus grande valeur en réalisant notre propre perfection morale, c’est-à-dire en refusant d’accepter tout code fondé sur des vertus irrationnelles qui seraient impossible à pratiquer, et en s’assurant de pratiquer celles qui le sont, en refusant toute culpabilité immérité, en ne s’y exposant pas et en corrigeant promptement celle que l’on aurait pu mériter, en ne se résignant jamais passivement aux défauts de notre caractère, et en ne laissant jamais quelque inquiétude, caprice, crainte ou humeur momentanée que ce soit l’emporter sur notre estime de soi. Et enfin, par dessus tout, la perfection morale s’accomplit en refusant de jouer le rôle d’un animal sacrificiel et en refusant toute doctrine qui prêche l’auto-immolation comme une vertu ou un devoir moral.
Le principe social fondamental de l’éthique objectiviste est que tout comme la vie est une fin en soi, chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins ou le bien-être des autres. Ainsi, l’homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à lui-même.
Ayn Rand in La vertu d'égoïsme
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3 commentaires:
En réponse à cela, un texte passionnant sur la réalité interne du mouvement randien :
http://herve.dequengo.free.fr/Rothbard/Sociologie.htm
Je connais, je connais... Mais je vous laisse volontiers la polémique Rothbard/Rand... elle ne grandit personne.
Bonsoir.
Je cherche à comprendre la chose suivante, j'espère que vous pourrez m'éclairer : sur l'article wikipedia qui parle de l'objectivisme randien (http://fr.wikipedia.org/wiki/Objectivisme_(Ayn_Rand)) il y a écrit ça : "Rand appelle ce principe, la primauté de l'existence. Le premier axiome indique que quelque chose au moins existe. Infirmer ce principe nécessite d'utiliser comme prémisse le concept d'existence, ce qui confirme le principe et lui confère la qualité d'axiome."
J'aimerais comprendre en quoi "infirmer ce principe nécessite d'utiliser comme prémisse le concept d'existence"....
Merci d'avance.
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