
Quelques autres, comme Sellerone, s'étaient pointés avec la belle idée d'endoctriner les voyous, sur le modèle du Professeur. Le Libanais lui avait concédé une demi-heure d'audience un après-midi où il était particulièrement de bonne humeur: deux heures auparavant, avec le Dandy et Nembo Kid, ils avaient enfin décidé de prendre en location la fameuse villa de l'Olgiata. Et paix au Froid, à force de trop se laisser aller à suivre ses états d'âme, on risquait de poireauter jusqu'à, genre , "Pâcques ou à la Trinité". Sellerone, une espèce de sous-intello un peu teigneux qui venait des Castelli et déblatérait sur les Maîtres et la Tradition, s'efforçait de leur expliquer que "tous les hommes qu'ils avaient supprimés" avaient été "justement sacrifiés à l'Idée". A part que le Libanais doutait sérieusement que ce minable ait jamais "supprimé" qui que ce soit, cette histoire de l'Idée commençait à faire vraiment chier.
- Mais bon, l'Idée, l'Idée... mais qu'est-ce que t'as gagné, à cette Idée ?
- L'Idée n'est pas un bénéfice, Libanais. L'Idée est exactement le contraire du bénéfice. L'Idée abhorre le bénéfice. Chaque bénéfice est de l'usure, et l'usure est un truc des Juifs...
- 'Tends un peu que je comprenne: tu veux être pauvre ?
- Pauvre d'argent, peut-être, mais riche de gloire. Et de Tradition !
A les entendre discuter, un groupe s'était formé. Et quand le Libanais balança sa vanne, il y'eut un grand gros rire:
- Mais alors, t'es communiste !
Giancarclo de Cataldo, in Romanzo Criminale