mercredi 26 décembre 2007

Un Mois de Mai à Rome (Giancarclo de Cataldo)


Mai s'était abattu sur Rome avec toute la violence de son printemps incandescent. Mais c'était un étrange mois de mai. Triste. Dans une ville suspendue au milieu d'une angoisse insonorisée, comme sous la neige de polystyrène. Dans une ville finie sous un de ces reliquaires de verre où les vieux conservent l'image de la Madone. Ou d'un Christ au coeur sanglant et au visage d'Aldo Moro. Scialoja rêvait d'Aldo Moro. Des millions d'Italiens rêvaient d'Aldo Moro. Les collègues rêvaient d'Aldo Moro. Ils rêvaient de connaître la même fin que les cinq martyrs de la via Fani*. Les collègues haïssaient les communistes bellicistes, parce que les brigadistes tuaient au nom du communisme. Les collègues haïssaient les socialistes, partisans de la négociation, du "geste humanitaire unilatéral", parce qu'avec la canaille, on ne traite pas. Les collègues haïssaient les chrétiens-démocrates, leur expérience millénaire de martyre: ils priaient lèvres tremblantes et paupières baissées et se lavaient les mains comme au temps de Ponce Pilate. Les collègues n'avaient de respect que pour le vieux pape qui avait prié à genoux "les hommes des Brigades rouges". Pendant ce temps, ils graissaient leurs armes. Si je dois aller dans l'autre monde, je veux en emmener avec moi un bon paquet, de ces connards de rouges. Il y'avait une atmosphère de guerre.

Giancarclo de Cataldo, in Romanzo Criminale

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