XII
Un gouvernement qui aurait le droit de punir les hommes pour leurs vices est une impossibilité naturelle ; parce qu'il est impossible qu'un gouvernement ait des droits autres que ceux déjà détenus par les individus le composant, en tant qu'individus. Ils ne pourraient pas déléguer à un gouvernement des droits qu'ils ne possèdent pas eux-mêmes. Ils ne pourraient pas déléguer au gouvernement d'autres droits, excepté ceux qu'ils possédaient eux-mêmes en tant qu'individus. Sérieusement, personne, à part un imbécile ou un imposteur, ne prétend qu'il a, en tant qu'individu, le droit de punir d'autres hommes pour leurs vices.
Mais n'importe qui et tout le monde a le droit naturel, en tant qu'individu, de punir d'autres hommes pour leurs crimes ; car tout le monde a un droit naturel, non seulement de défendre sa propre personne et ses biens contre des agresseurs, mais aussi de porter assistance et défendre tout autre, dont la personne ou les biens sont violés. Le droit naturel de chaque individu à défendre sa personne et ses biens contre un agresseur et de porter assistance et de défendre tout autre dont la personne ou les biens sont violés, est un droit sans lequel les hommes ne pourraient pas exister sur terre. Et un gouvernement n'est légitime que dans la mesure où il incarne ce droit naturel des individus, et est limité par ce même droit. Mais l'idée que chaque homme aurait un droit naturel de décider quelles sont les vertus, et quels sont les vices de son voisin - c'est-à-dire, lesquels contribuent à son bonheur, et lesquels ne le font pas - et de le punir pour se livrer à toute action qui ne contribuerait pas à son bonheur, c'est cela que personne n'a jamais eu l'impudence ou la démence d'affirmer. Seuls ceux qui affirment qu'un gouvernement possède des droits de coercition légitime, sans qu'aucun individu, ou groupe d'individus, ne lui ait jamais, ou aurait pu, déléguer de tels droits, affirment que le gouvernement a un droit légitime de punir les vices.
Cela conviendrait à un pape ou un roi - prétendant avoir reçu du Paradis l'autorité directe de régner sur ses congénères - de réclamer le droit, en qualité de représentant de Dieu, de punir les hommes pour leurs vices ; mais cela serait totalement absurde pour n'importe quel gouvernement, proclamant détenir son pouvoir par la volonté de ceux qu'il gouverne ; parce que chacun sait que ceux qu'il gouverne ne le lui accorderont jamais. S'ils le lui accordaient ce serait absurde, parce que cela équivaudrait à lui déléguer leurs propres droits à chercher leur propre bonheur ; puisque déléguer leurs droits de juger ce qui sera propice à leur bonheur, c'est déléguer la totalité de leur droit à poursuivre leur propre bonheur.
Lysander Spooner in Les Vices ne sont pas des Crimes (Vices are not Crimes )
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