mercredi 17 octobre 2007
Les Droits des Animaux (Murray Rothbard)
Une nouvelle mode se répand depuis quelque temps qui consiste à étendre le concept de Droits aux animaux et à affirmer que ceux-ci disposeraient de tous les Droits des hommes, et qu’il serait donc illégitime — c’est-à-dire qu’aucun homme n’aurait le Droit — de les tuer ou de les manger.
Cette thèse soulève évidemment un grand nombre de difficultés, dont celle d’établir un critère pour choisir entre les animaux à inclure dans la sphère des Droits et ceux qui en sont exclus. (Par exemple, peu de théoriciens iraient aussi loin qu’Albert Schweitzer, qui niait à quiconque le Droit d’écraser une blatte. Et s’il fallait que la théorie s’applique non seulement aux êtres conscients mais à tous les êtres vivants, bactéries et plantes comprises, la race humaine s’éteindrait rapidement.)
Cependant, le vice essentiel de la doctrine des “Droits des animaux” est plus fondamental et d’une portée plus grande. En effet, l’affirmation des Droits de l’homme ne relève pas de l’émotivité ; si les individus ont des Droits, ce n’est pas pas parce que nous “sentons” qu’il doit en être ainsi, mais parce que l’examen rationnel de la nature de l’homme et de l’univers le démontre. Autrement dit, l’homme a des Droits parce que ce sont des Droits naturels. Ils sont ancrés dans la nature de l’homme : dans sa capacité individuelle de poser des choix conscients, dans la nécessité pour lui d’employer sa raison et son énergie pour adopter des objectifs et des valeurs, pour appréhender le monde, pour poursuivre ses fins de survie et de prospérité, dans sa capacité et son besoin de communiquer, d’interagir avec d’autres êtres humains et de participer à la division du travail. Bref, l’homme est un animal rationnel et social. Aucun autre animal, aucun autre être ne possède le même faculté de raisonner, de poser des choix conscients, de transformer son milieu aux fins de sa prospérité, de participer consciemment à la société et à la division du travail.
Par conséquent, si les Droits naturels, comme nous l’avons dit et redit, sont absolus, il est un sens, mais un seul, dans lequel on doit les considérer comme relatifs : ils sont relatifs à l’espèce humaine. Une éthique des Droits pour l’humanité signifie précisément qu’elle s’applique à tous les hommes, sans distinction de race, de croyances, de couleur ou de sexe, mais à l’espèce humaine exclusivement. La Bible a raison de dire que l’homme a reçu — en Droit naturel, on dirait qu’il détient — la capacité de dominer toutes les espèces de la terre. Le Droit naturel est nécessairement lié à l’espèce.
Pour nous persuader que le concept d’éthique de l’espèce fait partie de la nature de l’univers, il suffit d’observer ce que font les autres espèces dans la nature. Ce n’est pas seulement une plaisanterie que de relever le fait que les animaux, eux, ne respectent pas les prétendus Droits de leurs semblables ; que, dans l’état de l’univers, la condition de toutes les espèces naturelles veut qu’elles survivent en mangeant d’autres espèces. Entre les diverses espèces, la survie est question de dents et de griffes. Il serait sans nul doute absurde d’affirmer que le loup est “mauvais” parce qu’il passe sa vie à dévorer et “agresser” les agneaux, les poules, etc. Le loup n’est pas un être méchant qui “commet des agressions” contre les autres espèces ; il ne fait que suivre la loi naturelle de sa propre survie. Il en est de même pour l’homme. Dire que l’homme commet des “agressions” contre les vaches est aussi insensé que de dire des loups qu’ils “commettent des agressions” contre les moutons. Et si un homme tue le loup qui l’a attaqué, il serait absurde de dire que le loup était un “méchant agresseur” ou qu’il a été “puni” pour son crime. C’est pourtant bien ce qu’impliquerait d’étendre aux animaux l’éthique des Droits naturels. Les concepts de Droits, de crime ou d’agression ne s’appliquent qu’aux actions des hommes envers d’autres hommes.
Que dire du problème du martien ? S’il arrivait qu’un jour nous rencontrions des êtres d’une autre planète, devrait-on leur reconnaître, à eux, les Droits des êtres humains ? La réponse est que cela dépendrait de leur nature. Si nos martiens hypothétiques étaient semblables à l’homme — conscients, rationnels, capables de communiquer avec nous et de participer à la division du travail —, on peut penser qu’ils seraient eux aussi détenteurs des Droits actuellement réservés aux humains domiciliés sur notre planète. Imaginons au contraire que nos martiens possèdent les attributs et la nature des vampires de la légende, et qu’ils ne puissent survivre qu’en se nourrissant de sang humain. Dans ce cas, aussi intelligents qu’ils soient, ils seraient nos ennemis mortels et nous ne pourrions les considérer comme titulaires des mêmes Droits que l’humanité. Ennemis mortels, encore une fois, non pas parce qu’ils seraient de méchants agresseurs, mais simplement parce que les conditions et exigences de leur nature les mettraient inéluctablement en état de conflit avec les nôtres.
Ainsi est-elle à peu près juste, cette boutade selon laquelle “nous reconnaîtrons les Droits des animaux quand ils les réclameront”. Le fait que, de toute évidence, les animaux sont incapables de pétitionner pour leurs “Droits” relève de leur nature et constitue une partie de l’explication du fait qu’ils ne sont pas équivalents à l’être humain et ne possèdent pas ses Droits. Et à l’objection que les bébés ne peuvent pétitionner davantage, la réponse est que les bébés sont de futurs adultes humains, ce que les animaux ne sont certes pas.
Murray Rothbard in L'éthique de la liberté
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